Alors, c'est la fête !
Vénus, comme la nomme son ami Pierre ASSOULINE qui lui tendait le micro ce soir-là, nous a réjouis par son franc-parler et son énergie. A la Maison de la Poésie, elle a évoqué Marina TSVÉTAΪÉVA comme une sœur que l’on voudrait défendre d’injustes attaques sur sa personne. Aucune femme n’a vécu plus misérablement. Elle lui a dédié plusieurs années de son écriture pour lui offrir un livre Mourir à Elabouga (Mercure de France, 2019) dont la sortie était l’occasion de cette rencontre.
Son parler était touchant quand elle évoquait cette terrible recherche d'amour chez sa consœur en écriture ou intrigant quand elle a raconté des anecdotes sur la négligence de cette dernière envers les contingences de la vie quotidienne (elle laissait le ménage à sa fille qui, plus tard ne lui en tint pas rigueur puisqu'elle s'évertua a diffuser le travail de sa mère).
Il a aussi été question de l'enfant mort de faim de Marina, du contexte politique et social qu'elle a vécu, de sa correspondance, de Boris PASTERNAK et de bien d'autres amants réels ou imaginaires, puis du mari, mais vite fait alors, car Vénus pense qu'il n'a pas été très bon pour sa Marina.
Elle a évoqué MENDELSTAM un peu, et sa femme Nadejda beaucoup, grâce à laquelle l’œuvre du poète est arrivée jusqu’à nous, et auxquels elle a dédié son livre précédent, Les derniers jours de Mendelstam (Mercure de France, 2016).
Vénus KHOURY-GHATA a parlé d’elle aussi, écriture, traduction, poésie un langage au-dessus du langage, années.
Elle était pimpante avec ses cheveux et ses chaussures assorties, rouges, sa veste à rayures et ses lapsus. Y’a que toi qui veux pas croire que je ne suis pas vieille.
Assouline, c’est Pierre ASSOULINE, cet homme est un puits de science, lui demandait pourquoi, en ces temps féministes, elle n’aimait pas le mot poétesse. Il semblait ne pas comprendre, chercher une explication valable et elle répondait à chaque fois un peu plus loin. Et lui de respecter ces semblants de malentendus. Ils étaient adorables tous les deux, unis par l’affection et la littérature.
Pour moi, c’était mieux que d’assister à un concert de rock. Vénus les mecs, VÉNUS !!! On se lève, on crie, on applaudit ! Le public était content oui mais pas du genre très expansif. C’est pas trop ce qu’on leur demande dans un tel lieu. Lieu où je n’étais allée qu’une fois, pour une lecture de Mahmoud DARWICH, il y a des années. Marie-librairie m’avait invitée car elle me savait fanatique de DARWICH. Un cadeau en forme de chair de poule dont je me souviendrai toute ma vie.
Vénus KHOURY-GHATA, c’est Élodie – j’ai de bonnes copines – qui me l’a fait découvrir avec Le Livre des suppliques sorti en 2015 au fidèle Mercure de France. Il est maintenant dédicacé ; je ne suis pas fétichiste mais quand même. Depuis, il y en a eu d’autres, dont cette anthologie Les mots étaient des loups dans la collection poésie Gallimard qui a fait dire à son auteure que ça valait le coup d'être vieille pour vivre la même consécration que Marina.
Quand elle a commencé à parler de traduction, la traduction c’est comme conduire deux voitures en même temps et j’ai toujours peur d’aller dans le mur, je me suis mise à prendre des notes. Elle a expliqué comment le passage de l’arabe au français nécessitait de nombreuses coupes car il y a beaucoup trop de sentimentalisme et de métaphores en arabe. Elle a raconté avec malice ce qu’avait répondu ADONIS le jour où quelqu’un lui demandait ce qu’il pensait de la traduction de Vénus, à savoir elle est très bien mais c’est comme si j’entrais dans un restaurant, que je commandais un bar et qu’on me servait les arrêtes.
Autant dire que j’étais intérieurement debout sur mon siège en train de siffler et de crier des Hourras pendant qu’elle parlait. Je notais tout, c’était mon jour de fête. Je ne vais pas retranscrire toutes les citations, mais je vous en livre une dernière, une sorte de drôle de mantra. Quand je n’écrivais pas, je trouvais mon appartement moche, mes enfants vieux, mon compagnon insupportable, mais il suffisait que j’écrive deux phrases et j’aimais tout le monde à nouveau et préparais même le dîner !
Comme quoi, la vie ne doit pas être si compliquée – se pourrait-il que je cuisine pour les miens ce soir ? –, même s'il va falloir s'accrocher pour parvenir au quart du dixième de la force lyrique et arboricole de Vénus KHOURY-GHATA, dont voici un extrait (lisez-la, lisez-la, lisez-la).
Le violoniste joue pour le merisier dépecé dans l’atelier du luthier
comment faire la filiation entre le bois et la note qui arpente les cordes
comment évaluer son poids sur l’air et son impact sur toi qui n’es pas l’ami de l’arbre et qui ne fais pas la différence entre le crissement des feuilles sous ta semelle et le cri de l’archet
Des questions te taraudent
Un jeune violon s’incline-t-il lorsqu’il croise un vieux merisier
lui demande-t-il des nouvelles du trou à son flanc et
si la blessure de son aubier a cicatrisé
Vénus KHOURY-GHATA
Le Livre des suppliques
Mercure de France, 2015
@Passouline
http://larepubliquedeslivres.com/
@maisonpoesie1
https://www.maisondelapoesieparis.com/
Et toujours, la liste des livres croisés dans le métro au cours de
la semaine du 15 au 21 avril,
une bonne grosse récolte (sans recherches ni corrections, désolée, pas le temps...) :
Poèmes tibétains de Shabkar
John GLASCO Mémoires de Montparnasse
Mickaël MANGOT Le boulot qui cache la forêt
Contre culture (livre jaune)
Harlan COBEN
NIETZSCHE
Russel BANKS Affliction
Une dame qui crochette un bonnet pour bébé
Le Huit
Patti SMITH M Train
Comment leur dire. La process communication (!?!?!)
Stephen KING
Seul
Antoine BELLO L'homme qui s'envola
Harry Potter (je crois que j'ai déjà vu cette lectrice avec son livre un soir de la semaine dernière)
Olivier NOREK
L'enfant à l'intelligence ...?
Une copine que je ne connais pas lit Le Pavillon d'Or (j'ai décrété unilatéralement que j'étais copine avec tous les lecteurs de MISHIMA !)
Ken FOLLETT
Aaron APPELFELD
Un mec, la quarantaine, en skate à moteur dans les couloirs du métro. Super pressé le mec !
Les rois maudits
Je remonte la moitié de ma rame parce qu'il y a des tas de lecteurs mais je n'identifie rien (et les gens me regardent bizarrement vu que je me conduis bizarrement)
Bon ben Katherine PANCOL
Un livre d'études sur la photo
Ramon SENDER Requiem pour un paysan espagnol
Youhou SHAKESPEARE La Tempête
Double bingo Marcel PROUST j'ai reconnu la couverture de l'édition de poche : la cathédrale de Rouen de Monet mais j'ignore de quel partie de A la recherche du temps perdu il s'agit
Victor HUGO Notre Dame de Paris (ils risquent d'être nombreux dans les jours à venir)
John FRENCH Esclave des ténèbres tremblez pauvres lecteurs
Un guide sur les Pouilles
Une môme de 8 ans BCBG++ qui manque totalement de respect à sa nounou. Je me retiens d'intervenir (mais pourquoi?)
Les chiots magiques à la belle étoile
Guillaume MUSSO Un appartement à Paris
Une nana toute sapée joue à un micro Tetris en n&b tout droit sorti des années 80
Paroles de poilus
Stephen KING
La première lectrice demande à la seconde - qu'elle ne connait manifestement pas - ce qu'elle lit
Franck THILLIEZ Gataca
Simone VEIL Une vie
M. C. BEATON
Eric ZEMMOUR Destins français
Frederic VIGUIER Aveu de faiblesses
Dino BUZZATI Le K
Bernard MALAMUD L'homme de Kiev
Glacé
Suivi dans l'ordre par :
Jane HARPER Canicule
Les lecteurs soufflent le chaud et le froid et je vais finir par attraper le rhume
Le Routard Corse
Une ado répète ses pas de danse en accéléré tout en restant assise. Impressionnant ! (Les pieds sont désynchronisés)
Jesse KELLERMANN
MACHIAVEL Le Prince
John STEINBECK La Perle
Yasmina KHADRA
MARC-AURELE lu par une jeunesse
Un guide sur Istanbul
Frédéric DARD dans une nouvelle édition il semblerait
Souleymane DIAMANKA Julien BARRET Écrire à haute voix
BORGES BIOY OCAMPO Antologia de la literatura fantastica
JULIUS Le Livre de Daniel
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