Il y a bien 10 ans, je recevais une fois par semaine un garçon de 4 ans avec sa mère. Il était le dernier d'une grande fratrie dont les aînés se portaient à merveille. Lui était très autiste et ne parlait pas du tout. A peine faisait-il quelques sons. Le père, qui ne venait jamais, était bien plus âgé que sa femme et ne s'occupait jamais de son enfant.
[Soit dit en passant, si on a longtemps fait porter toute la responsabilité de l'autisme aux mères, on sait aujourd'hui que l'un des facteurs de risques réel est l'âge avancé du père.]
La vie était dure pour cette femme qui emmenait son fils au CMP ou chez moi, soutenait un dialogue ininterrompu avec l'école pour faire en sorte que son fils y soit accepté encore un peu en attendant que le pédopsychiatre trouve une place en institution, passait du temps avec lui à essayer et essayer encore ce qui ne fonctionnait pas.
Elle venait le mercredi -pourquoi je m'en souviens...? - et nous restions une heure ensemble, elle, son fils et moi. Parfois, elle profitait de la séance pour aller faire une course, sûrement pas prendre du temps pour elle.
Je tentais d'entrer en relation avec cet enfant, de l'aider à trouver des objets, des activités qui lui plaisent, l'amener à explorer un peu le monde, du moins celui de mon bureau, avec force bulles, toupies, comptines, peluches, balles, cartes, cubes, livres et compagnie. Il avait l'air si triste, sa mère aussi. Dès lors qu'elle évoquait ses aînés, son visage s'animait, mais en présence de celui-ci, elle portait le masque d'un tragique destin.
En écrivant, je me rappelle d'une période où elle avait espoir qu'un voyage et des soins traditionnels puissent les aider, ce qui ne fut pas le cas. J'aurais tant aimé moi aussi.
En attendant, nous faisions des rondes et chantions dans mon bureau. Un rire partagé et inattendu m'a fait écrire un bout d'article sur eux. Je cherchais ; je ne trouvais pas.
Pas le sujet, voilà où je veux en venir.
Un jour, beau ou moche, je ne sais plus, alors que je sors de mon bureau et me dirige vers la salle d'attente pour aller à leur rencontre, Madame (comme on dit dans notre jargon) m'attend debout. En me voyant, elle s'approche avec une chaleur inédite et me souhaite "bonne fête" toute sourire et accolade. Je dois répondre un "merci" hébété non sans élaborer tout un tas d'hypothèses. Est-ce ma fête ? une fête religieuse (il arrive que des patients me prêtent des pratiques que je n'ai pas) ? la fête des orthophonistes...? Ce sont des choses dont j'ignore tout, et comme en général j'ignore aussi la date du jour, je ne suis pas plus avancée.
Bref, est-ce que je lui ai demandé de quoi elle parlait, ou bien a-telle perçu mon air figé ? Toujours est-il qu'après ladite accolade, elle a fini par considérer utile de préciser.
- C'est la journée des femmes !
Et moi, de l'accolader alors en retour.
- Ah oui, bonne fête !
Et de rejoindre mon bureau avec son fils, mon désarroi et ces pensées : que peut bien vivre cette femme, qu'a-t-elle pu bien vivre pour manifester une telle joie à l'annonce de cette unique journée annuelle de la femme ?
Aujourd'hui, je ne la vois plus depuis longtemps, ni son fils. Il a finalement intégré une école spécialisée. Pourtant chaque année, le 8 mars, c'est à elle que je pense.
Du 4 au 10 mars :
Michelle OBAMA Becoming
Mona CHOLLET Sorcières
Avec ces deux livres, on reste dans le sujet !
John LE CARRÉ
Carlos CASTANEDA
Roland BARTHES La chambre claire
Alexandre DUMAS 20 ans après
Juliette BENZONI Les Chevaliers
Gabriel GARCIA MARQUES 100 años de soledad lu à voix haute mais chuchotée, comme à l'époque car, oui, "à l'époque" (grosso modo jusqu'à la Renaissance où elle s'éteignit peu à peu selon les spécialistes) la lecture se faisait systématiquement à voix haute, non par choix mais parce que les lecteurs n'avaient pas appris, acquis le savoir-faire pour lire silencieusement. Dans les bibliothèques, les lecteurs faisaient sûrement comme cet homme dans le métro : lire à voix haute chuchotée.
Wajdi MOUAWAD Ciels
Jack LONDON Martin Eden
GIBSON
Jean-Paul SARTRE Les mots
Elena FERRANTE
Un énorme bouquin tout blanc fermé sur des genoux. Ah non, c'est une boîte de gâteaux.
Laurent GAUDÉ
Barbara DONVILLE Vaincre l'autisme
Jean d'AILLON
Liane MORIARTY Un peu, beaucoup, à la folie
Une femme bionique : elle a des trucs noirs, brillants et presque pointus qui lui sortent des oreilles. Le son doit être bon.
La méthode KONMARI
Je suis favorable au rangement (il faudrait étudier tout ça) mais il y a des alternatives pour nous faire gagner de la place : la méthode Emmaüs, ou la méthode arrêter d'acheter des fringues dont on n'a pas besoin...
Marguerite YOURCENAR L'Œuvre au noir
Umberto ECO Le nom de la rose
Un que sais-je très rose sur l'analyse transactionnelle
J'entends de la poésie !!!!! Une voix sort des hauts parleurs invisibles des couloirs du métro et dit un poème que je n'arrive pas à attraper.
Les marcheurs
Mathias ENARD
Adeline DIEUDONNÉ La vraie vie
Tsuyoshi TAKATI Black Torch
Des apprentis chanteurs-comédiens parlent de leur rééducation orthophonique de la voix. A entendre la leur, ils sont comme beaucoup : on leur enseigne l'intention, ils forcent et ça pète. Il est malheureusement rare pour leur organe qu'on leur enseigne comment placer leur voix au lieu de quoi ils essayent de faire "passer des émotions" coûte que coûte, et ça peut coûter cher...
Sinon, ma voisine se demande ce que je manigance car je dessine une passagère qui se trouve un peu plus loin (celle du dessin) et je me tords le cou à chaque passage de lecteur ou lectrice pour essayer de chopper un titre.
Un petit bébé japonais que sa mère a pris dans les bras babille, l'escalade et essaye d'attraper tous les cheveux qui passent à sa portée.
Robert BADINTER Idiss
Frédérick D'ONAGLIA Mémoires effacées
J.R.R. TOLKIEN Le Seigneur des Anneaux Les Deux tours
Daniel RONDEAU Mécaniques du chaos
Hector GARCÍA La méthode Ikigai
Cette fois-ci, il ne s'agit pas d'alléger nos armoires mais de trouver notre voie. Je suis favorable aussi. Et trouver sa voie en rangeant son armoire, c'est possible ?
Rachida BRAKNI se présente avant de lire un poème que je n'ai pas entendu (les portes ont sonné, le métro est reparti). Raaah, décidément, j'adore ce concept de poésie dans le métro, mais j'aimerais bien aussi entendre les textes. #semainedelapoesie
Lamia BERRADA-BERCA Kant i el vestitino rosso
Aldous HUXLEY Le meilleur des mondes
Sylvie GERMAIN Magnus
J.K. ROWLING Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé
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